Un nouveau blog pour 2015

Bandeau Gnothi SEAUTON

Difficile d’ouvrir ce blog sans tomber dans l’emphase dramatique. « Le monde de l’édition tremble ! », « la crise a bouleversé le milieu », « une métamorphose en forme de séisme ! » Mais tout de même… Il faut reconnaître que le monde du livre  galope sur une terre mouvante en ce moment.

Si j’ai décidé d’abandonner mon ancien blog, c’est aussi pour changer de ton. Je ne dis pas que je cesserai de communiquer sur mes livres : plus que jamais, les auteurs doivent gérer leur communication par eux-mêmes et je ne fais pas exception à la règle. Mais je vais aussi nourrir mes billets à venir de réflexions sur le monde éditorial, d’interviews de collègues qui vivent des expériences nouvelles fascinantes. Bref, j’espère observer ce milieu tandis qu’il se transforme, avec l’aide de ceux qui passeront sur cette page.

Logo du SNACJe vis de ma plume depuis mes 25 ans et ai aujourd’hui publié une quarantaine de livres. Je suis aussi éditrice externe chez Soleil. Je suis encore syndiquée et fait partie du comité de pilotage du SNAC (Syndicat National des Auteurs Compositeurs), section BD. Et si aujourd’hui, je m’intéresse sérieusement à l’auto-édition, c’est non pas pour ce qu’elle était il y a un an encore, mais pour ce qu’elle devient. Et vite. Je suis émerveillée du bouleversement que subit le monde du livre aujourd’hui. Car soyons clairs : je ne parviendrai pas à être pessimiste.

Certes, quand je vois des collègues auteurs perclus de talents réduits à accepter de travailler pour des licences pitoyables (comme l’adaptation BD de la dernière mini-série d’une grande chaîne) juste pour payer leur loyer, ça me serre un peu le coeur… Quand j’entends des collègues éditeurs confortablement salariés déclarer : « c’est plus dur qu’avant, mais tant mieux : ça fera de l’écrémage, il y avait trop d’auteurs », et d’ajouter que ces derniers sont remplaçables, interchangeables, etc, je suis navrée par tant d’aveuglement. Car la situation actuelle ne durera qu’un temps, elle change déjà…

Les éditeurs en chef sont crispés par la crise depuis plusieurs années. Je ne leur jette pas la pierre : ils sont préoccupés par leur propre survie, ne veulent plus prendre de risque, et pourquoi les en blâmer ? C’est de leur argent dont il est question. Et je n’apprécierais pas qu’on vienne me dire qu’on sait mieux que moi quoi faire du mien.

En revanche, je suis stupéfaite que certains directeurs de collection pensent contrôler la création dans ce pays, qu’ils imaginent que les auteurs changeront de métier quand ils ne les laisseront plus vivre de leur travail et qu’ils « iront faire autre chose ». Certes, les auteurs réaliseront moins de livres et ça n’est pas plus mal. J’ai moi-même signé quelques contrats mercenaires dont je me serais bien passé si j’avais eu l’argent par ailleurs pour financer mes projets de fond. Mais non, les auteurs n’iront pas « faire autre chose ». Ceux qui tiennent ces propos le font à l’aune des projections sur leur propre futur.

Quand on sait comme un éditeur intervient peu dans la création d’un ouvrage (environ une semaine de travail pour ce dernier contre un an pour l’auteur), on ne peut qu’être abasourdi face aux propos d’une ministre qui déclare que la littérature est faite par les éditeurs. Un temps, on a pu avoir l’impression plus ou moins juste que ces derniers formaient un barrage filtrant, qu’ils étaient capables de distinguer le bon grain de l’ivraie, de purifier le talent brouillon de cette race hétéroclite que forment les auteurs, pour offrir aux lecteurs la pépite méritée. Mais le système s’est grippé et aujourd’hui le barrage craque : on n’arrête pas un fleuve en se plaçant au milieu et en tendant les bras.

Crowdfunding, webcomics, fanzinat et surtout auto-édition numérique sont les solutions vers lesquels les auteurs se tournent, de plus en plus nombreux. La plupart d’entre eux ne sont pas fâchés avec l’édition traditionnelle, mais le modèle économique qu’elle leur propose quand elle ouvre encore ses portes n’est plus viable pour beaucoup, qui vont ainsi chercher ailleurs le moyen de s’exprimer et de vivre de leur création.

Quelques éditeurs peu tournés vers la modernité lèvent encore un sourcil méprisant vers l’auto-édition, quand, hors de France, les deux modèles sont déjà en train d’apprendre à vivre ensemble, à se compléter et à s’apprécier.

Gnothi seauton, « connais-toi toi-même » lisait-on sur le fronton du temple d’Apollon, à Delphes. Ce blog est baptisé Page Seauton, parce que c’est à l’édition dans son devenir que je vais tâcher de m’intéresser et que dans celui-ci, je pense que leur place sera rendue à ceux qui font « eux-mêmes ». Pourvu qu’Internet reste à peu près libre, la jonction directe avec les lecteurs se fera. Et je croise les doigts pour que nos éditeurs marchent à nos côtés, complices, nos relations débarrassées des rapports de force autrefois imposés.

Merci à Messalyn à qui je dois ce nouveau blog. Messalyn, qui en plus d’être une excellente webmaster est une brillante illustratrice spécialisée dans l’aquarelle.