Petite histoire de la ponctuation: un point, c’est pas tout !

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Les perles de l’Indéprimeuse, toujours brillantes

Autrefois, en ponctuation, on pouvait faire n’importe quoi. La ponctuation courait nue sur les barricades en hurlant « libertéééé ». Elle obéissait à l’oralité, elle dansait à l’écrit comme elle dansait dans les bouches. Mais les imprimeurs lui reprochaient d’être « sentimentale et fantaisiste » (sic), et comme on était à un cheveu du XIXe, on a décidé de normer tout ça avec plein de règles qui disaient que la ponctuation devait rester assise sur sa chaise à coudre des ourlets. Tant et si bien, qu’on a ôté aux auteurs le droit de choisir leur ponctuation, car ces gens-là sont trop émotifs, ils se laissent manipuler par la ponctuation (cette petite dévergondée). En désespoir de cause, les auteurs se retrouvèrent à faire comme Baudelaire dans son manuscrit des Fleurs du Mal, c’est à dire à supplier quand ils s’étaient attachés à un point ou à une virgule.

Une note de la main de Beaudelaire

Certains s’en tamponnèrent le coquillard. Mais d’autres ne l’entendirent pas de cette oreille. « On a dit “le style c’est l’homme”. » déclara Georges Sand qui en tant que femme sait très bien de quoi elle parle. « La ponctuation est encore plus l’homme que le style. La ponctuation, c’est l’intonation de la parole, traduire par des signes de la plus haute importance. » Ce à quoi, les imprimeurs rétorquèrent que la ponctuation était “trop importante pour l’abandonner aux caprices des écrivains qui, la plupart, n’y entendent pas grand-chose. » Après quoi, ils ajoutèrent : « de toute façon, prout, c’est nous qu’on décide » (ok, ce passage, c’est moi qui l’ait rajouté, mais c’est l’idée).

Les auteurs (que depuis le début de leur métier on a vraiment rien fait qu’à embêter pour absolument tout, même la question des virgules) boudèrent alors avec élégance. Georges Sand ouvrit le débat sur la voix et le rythme. Appolinaire et Mallarmé s’engouffrèrent dans la brèche avec des recueils de poèmes où la ponctuation jouait les Arlésiennes, volatilisée en vacances aux Maldives. D’autres estimèrent que de toute façon, la ponctuation était insuffisante, ainsi Paul Valéry : « notre ponctuation est vicieuse. Elle est à la fois phonétique et sémantique et insuffisante dans les deux ordres. »

Et c’est là que c’est devenu rigolo. Vous pensiez tout connaître avec le point d’interrogation, ceux de suspension et d’exclamation ? Vous pensiez que le point virgule était l’audace suprême ? Quelle charmante innocence ! Ainsi n’avez-vous jamais entendu parler du point d’ironie d’Alcanter de Brahm ? Du point d’irritation, d’hésitation ou d’indignation de Marcelin Jobard ?

Mais les propositions les plus amusantes furent sans doute celles d’Hervé Bazin dont je vous livre ici un petit florilège :

Il y en eut d’autres, bien sûr. Beaucoup et plein ! Pour en avoir un compte-rendu un peu plus détaillé, je vous recommande cet article de France Culture : https://www.franceculture.fr/histoire/une-histoire-de-la-ponctuation-point-dironie-et-point-de-doute-la-ponctuation-poetique?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1ycgR5AG_K3QjoVWR0p-Qc6XVQoEcakMXbpYM24WiNYFQJZ1IyzmG16rY#Echobox=1627569360

Mais j’avoue que de mon côté, ça m’a chatouillé agréablement et donné envie d’inventer la mienne. Je pense que je créerai avant tout le « point dans ta face », qui viendrait après toute réplique bien sentie. 

Et vous ? Des idées ?